
D’après le Larousse, la solidarité désigne le rapport existant entre des personnes qui, ayant une communauté d’intérêts, sont liées les unes aux autres. Par syllogisme : les femmes ont une coupe d’intérêts communs, donc la solidarité féminine existe, CQFD.
Et pourtant, cette solidarité féminine est souvent polémique. D’aucuns la pensent trop sectaire (le terme « féminine » pouvant être jugé exclusif), d’autres l’encouragent, d’autres encore se torchent avec.
Mais qu’en est-il vraiment de cette fameuse solidarité féminine ? Existe-t-elle ? Et si oui, est-elle nécessaire ?
Dans un premier temps, je suis tentée de dire que oui, elle existe, elle est là, autour de nous. Elle nous tient les cheveux au dessus de la cuvette et nous rassure lors de soirées peu glorieuses où on s’était dit « ce soir, pas de mélange pour moi ». Elle nous accompagne aux toilettes parce qu’elle sait que le moment que tu choisies pour t’éclipser est aussi celui que choisi toute la bande pour changer de spot. Elle est la seule à comprendre le préjudice moral d’un regard lubrique, de paroles condescendantes ou sexistes. Elle seule comprend que « oui, c’est urgent stop. Toilettes stop. Tout de suite stop » (je parle des règles).
Aussi, j’ai récemment découvert de nouvelles plateformes d’entraide entre femmes : Youtube, et internet en général.
Notamment, Les Internettes est un collectif de femmes (mais aussi d’hommes) qui ont pour but, de faire découvrir aux internautes des youtubeuses diverses. Certaines font de la politique, d’autres de la philosophie, d’autres encore des sessions de gaming (parce que nan il n’y a pas QUE des youtubeuses beauté).
Un autre groupe de nanas bienveillantes que j’ai découvert ces derniers mois : Paye ta shneck. La mission de PTS est de lutter contre le harcèlement de rue. Le moyen d’opérer de ce blog est de partager sur les réseaux sociaux, des courtes phrases misogynes et/ou banalisant le viol, entendues par des femmes à leur égard dans le but de pointer du doigt de telles offenses. Je le vois à la fois comme un acte militant, mais aussi comme une manière de dire à chaque femme « on t’a dit/fait ça, c’est condamnable et tu n’es pas fautive ». Cette déculpabilisation puissante, je la vois comme un message adressé à tous, mais plus particulièrement comme un appel à se serrer les coudes entre femmes.
Moi je me souviens que lorsque j’ai écrit mon premier « vrai » article sur le féminisme, beaucoup d’étudiantes, sont venues me remercier ou juste m’appuyer, et je n’ai jamais oublié ce que chacune m’a dit. Me remercier ? Moi ? Pourquoi ? Et puis j’ai compris. J’ai compris ce que ça faisait de lire des choses que l’on comprend, que l’on ressent, et qu’on partage. C’est peut-être finalement ce sur quoi la solidarité féminine repose fragilement : les sentiments.
Finalement, la solidarité telle que je la perçois au 21Ième siècle, c’est tout ça. Mais c’est aussi toutes les associations féministes collectivistes qui ne font pas forcément partie de notre quotidien mais qui sont bien là et qui œuvrent dans l’ombre de nos vies (coucou la poétesse).
A contrario, le contexte dans lequel j’ai le plus souvent entendu cette expression de solidarité féminine, est en général très en dehors de cet esprit de solidarité. Ainsi j’ai put être témoin de remarques du genre « Et la solidarité féminine ? Pétasse ! ».
Cette animosité envers les femmes quand on en est une, n’est pour moi pas étrangère.
Qui n’a jamais vécu (passivement ou activement) ces moments de « check-out » dans le métro ? Tu sais ce regard qui veut dire « je te regarde de haut en bas pour savoir si tu peux potentiellement attirer plus de mâles que moi » (pour paraphraser Solangeteparle qui l’a si véridiquement dit).
Mais d’où vient donc cette froideur et cette méfiance envers nos consœurs ? Et quelle forme prend-t-elle ?
Il existe pour moi deux milieux dans lesquels fleuri la jalousie inter féminine : le cadre professionnel et la sphère publique.
Commençons par l’environnement professionnel. L’étude de statistiques fournis par Statistique Norvège et la Confédération des entreprises norvégiennes (NHO), a montré que, même si les femmes ont tendance à encourager et valoriser davantage la promotion d’une autre femme, cette bienveillance prend fin lorsqu’une collègue peut prétendre à un poste égal. En effet, dans les entreprises féminisées, le taux d’employées est élevé mais les chances d’être promotionnée rapidement est faible. Le site Les Affaires, d’où je tire mes informations, mentionne aussi la volonté de certaines à vouloir mettre des « bâtons dans les roues » des autres. (exemple ici aussi)
Dans le cadre de la vie publique, la "désolidarisation" féminine se manifeste presque en tout et pour tout par le slut-shaming. Si tu ne sais pas ce que c’est, voilà une définition wikipédia (désolée j’ai trouvé que ça) : « Le slut-shaming est un concept proposé à l'origine par les féministes canadiennes et américaines. Cette expression, traduisible en français par « intimidation (ou humiliation) des salopes » ou « couvrir de honte les salopes », regroupe un ensemble d'attitudes individuelles ou collectives, agressives envers les femmes dont le comportement sexuel serait jugé « hors-norme ». Le slut-shaming consiste donc à stigmatiser, culpabiliser ou disqualifier toute femme dont l'attitude ou l'aspect physique seraient jugés provocants ou trop ouvertement sexuels ».
The Atlantic, a d’ailleurs fait une expérience assez surprenante sur la perception des femmes par des femmes que je vous invite à consulter (The evolution of bitchiness : c’est en anglais mais y’a des schémas, le lien est en bas)
Le slut-shaming, je ne le comprends seulement comme une critique de la sexualité des autres, mais comme une critique des autres, tout court. C’est souvent un moyen de se rassurer sur son corps, d’expulser sa frustration ou de se rassurer sur sa propre sexualité qui est toujours soumise à un jugement social. De la même manière qu’il est plus difficile pour une femme de se faire une place économiquement (au travail), il est aussi plus difficile de se faire une place socialement. En tant que propriétaires d’un vagin, nous sommes constamment soumises à une approbation sociale, vaste, dont j’ai parlé dans mon précédent article et dont je parlerai sûrement dans les prochains.
En ce qui concerne l’origine de cette rivalité entre femmes, c’est facile. Déjà quand tu nais femme, tu sais que ça sera moins facile pour toi, que tu devras en général te battre plus qu’un homme, juste parce que tu as des combats qu’il n’a généralement pas (l’anorexie, le jugement physique, les préjugés sur tes capacités intellectuelles, un salaire généralement plus faible etc...). Si tu nais en Inde, tu seras probablement un poids pour ta famille, qui devra une dot à son gendre. Si tu nais en Iran, il est probable qu’on t’interdise de conduire ou même faire du vélo. Si tu nais en Corée, il est probable qu’on t’insulte parce que tu fumes. Ou si tu nais au Canada, il est aussi probable qu’on t’impose l’excision (clique ici si tu ne me crois pas).
Aussi, dans notre société (elle a bon dos cette société), les femmes ont toujours pris moins de place malgré leur supériorité numérique (comprendre ici qu’il y a plus de femmes que d’hommes sur la terre). Dans la politique, dans le sport, dans les médias, dans les postes de cadres, la femme n’occupe qu’une place minime (vous excuserez l’absence de chiffres pour cette affirmation plutôt évidente).
Prenons, pour illustrer mon propos, une triviale théorie économique.
Que se passe-t-il lorsque la demande est plus forte que l’offre ? Les prix explosent. Autrement dit « le prix est plus dur à payer ». La compétition entre « demandeurs » augmente, renforçant ainsi les conflits. Ce scénario peut se retrouver dans le secteur de l’immobilier ou dans tout type de ventes aux enchères.
Forcément, cette ambiance ne peut que renforcer l’individualisme et la jalousie chez les femmes. Au lieu de se serrer les coudes, on se dit « si je n’y vais pas ça sera une autre ». Pas étonnant que certaines femmes soient misogynes. Des femmes détestent des femmes car elles y voient une concurrence.
Quand on devient féministe, on fini par voir le puits sans fonds des jugements, des attentes et des reproches qui sont faits aux femmes. D’un coup on le voit et on ne se sent plus obligées d’y sauter ni de pousser les autres dedans.
Très loin de moi l’envie de juger autrui et encore plus loin celle de donner des leçons, mais ce que moi j’ai appris ces derniers mois, c’est que personne n’a le droit, même implicitement, de juger la personne que tu es. Une fois que j’ai assimilé ça (car il ne suffit pas de le comprendre), je me suis littéralement fichu de la vie des autres.
Pour conclure, je pense que la solidarité féminine existe réellement, mais je pense aussi qu’elle devrait être renforcée. Aimons-nous, soutenons-nous, et aidons-nous. Au final, se mettre des bâtons dans les roues ne fait que nous diviser et ne sert à personne si ce n’est aux hommes qui participent et renforcent les mouvements machistes par peur de perdre leurs droits ainsi que le contrôle (oui, le mot est fort, oui, je pèse mes mots) sur les femmes.
Alors oui, on a le droit de penser ce que l’on veut, et oui ça peut arriver de critiquer quelqu’un et même de le juger. Mais la clef est là : abstient toi de le dire à voix haute, et si une méchanceté t’échappe, demande-toi pourquoi tu as dit ça, d’où ça vient, comment tu peux empêcher que cela se reproduise.
Mes sources :
La vidéo de Solange te parle : https://youtu.be/bR3s2dbKgc4
La page facebook de Paye ta shneck (si tu aimes à rire jaune) :
The Evolution of Bitchiness : https://www.theatlantic.com/health/archive/2013/11/the-evolution-of-bitchiness/281657/
Les affaires, la solidarité féminine, mythe ou réalité au travail ? : http://www.lesaffaires.com/blogues/olivier-schmouker/la-solidarite-feminine-mythe-ou-realite-au-travail/575604/2